mercredi 6 janvier 2010

Une enquête longue et difficile.

Aujourd'hui je vais vous parler d'un article qui vient de paraître dans la revue PNAS, et qui s'intéresse à l'extinction des mammouths en Alaska. Un des auteurs de l'article en question travaille dans le labo de Bastien.



On ne sait pas bien quand les mamouths ont disparu d'Alaska. Les ossements les plus récents qu'on y a retrouvés datent d'il y a environ 13,100 –13,710 ans. Comme les humains sont arrivés en Alaska il y a environ 14000 ans, on a alors fait l'hypothèse que les humains avaient très rapidement éliminé les mammouths en les chassant (hypothèse dite "blitzkrieg"). Une autre hypothèse suggère qu'un changement climatique ou bien une chute de météorite il y a environ 12900 ans auraient pu mettre fin à ces grands herbivores.

Une grande difficulté pour savoir ce qui a pu causer la perte du mammouth provient de la rareté des ossements retrouvés. D'une part, il est difficile de passer au peigne fin tout l'Alaska. D'autre part, lorsqu'un mammouth meurt, il n'est pas certain que ses os vont rester des milliers d'années en bon état, attendant sagement qu'un scientifique vienne les découvrir puis les dater. Bref, on n'est vraiment pas sûr que les mammouths aient vraiment disparu il y a environ 13,100 –13,710 ans, et une autre façon de chercher la date à laquelle le dernier mammouth a vécu serait très utile !

L'article dont je parle aujourd'hui propose donc une autre façon de préciser quand les mammouths ont vraiment disparu d'Alaska. En fait, confronté à une disparition, les chercheurs ont utilisé des méthodes proches de celles de la police scientifique : ils ont prélevé des échantillons, et séquencé l'ADN qui s'y trouvait. Plus précisément, les scientifiques sont allés en Alaska à côté du village "Stevens", fait une carotte dans une falaise de sédiments bordant une rivière, puis ils ont analysé l'ADN qu'ils ont trouvé dans les sédiments.

L'idée est la suivante : en éternuant, perdant des poils, faisant pipi ou caca, le mammouth moyen dépose son ADN dans le sol sur lequel il gambade gaiement. Avec le temps, des sédiments recouvrent ce sol. Comme il fait froid (on est en Alaska), l'ADN est bien conservé comme dans un congélateur, ce qui fait que quand, 10000 ans plus tard, un scientifique fait une carotte dans le sol, il a de bonnes chances de retrouver des traces d'étron de mammouth. Et là où il y a étron, il y a vie.

Dans leur carotte, qui contient des sédiments datant d'il y a environ 7500 ans pour les plus récents à 11000 ans pour les plus anciens, les chercheurs ont trouvé de l'ADN. En analysant cet ADN, ils ont trouvé les traces des animaux suivants:
  • des lièvres des neiges (voir la photo, où un lièvre joue avec un lynx)
  • des élans
  • des bisons
  • des chevaux (à l'époque, il y en avait, puis ils ont disparu, puis les Européens les ont réintroduits quand ils ont redécouvert l'Amérique)
  • et des mammouths !
Les sédiments où les traces de mammouth ont été retrouvées datent d'il y a environ 10500 à 7600 ans. Ceci permet donc d'invalider l'hypothèse "blitzkrieg" : les hommes n'ont pas disposé des derniers mammouths en quelques centaines d'années, et invalide également l'hypothèse d'une météorite qui aurait tué les derniers mammouths. Il semble en effet que la disparition des mammouths a été plus lente et progressive qu'on le supposait jusqu'à présent.


Pour finir, un avertissement : si vous aimez faire vos besoins naturels au grand air et pourtant rester discret, choisissez bien vos endroits : si c'est dans un environnement froid où l'ADN peut bien se conserver, il est très possible que votre empreinte y soit encore dans 10000 ans.

PS: la photo vient du site suivant:
http://www.sci-fi-o-rama.com/

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