Pour se détendre après une dure journée de labeur, un peu de science.
Aujourd'hui, nous allons parler du travail de Daniel Lieberman, professeur à Harvard de son état. En 2004, il a publié un article dans la revue Nature qui proposait que l'homme avait évolué pour être un excellent coureur de fond.
D'où lui vient cette idée, me direz-vous ? Tout d'abord, parmi les primates, l'homme est apparemment le seul à pouvoir courir sur de longues distances, et ce assez rapidement, entre 2.3 et 6.5 mètres par seconde. Pour comparaison, un cheval de course au gallop peut atteindre 8.9m/s pendant 10km. L'homme n'est donc pas ridicule par rapport à un quadrupède de 500kgs, surtout si on se met à penser à des distances plus longues que 10km : en effet, les chevaux du poney express, qui distribuaient le courier dans les albums de Lucky Luke, avaient une vitesse moyenne journalière de 5.8m/s. Pour davantage se convaincre de la qualité de coureur de fond d'Homo sapiens, on peut la comparer à celle d'un quadrupède de poids similaire (65kgs) : ce dernier aurait une vitesse maximale de gallop de 7.7 m/s, et là encore ne pourrait maintenir une telle vitesse bien longtemps. Par contre, l'homme est capable de couvrir de grandes distances, comme des marathons, et il ne lui est pas difficile de courir 10 kms par jour. Pour comparaison, les loups voyagent en moyenne 14 kms par jour, là encore une quantité comparable à l'homme. Enfin, la physiologie humaine semble bien adaptée à la course de longue durée, avec de longs tendons élastiques (comme le tendon d'Achille) dans les jambes pour générer de l'énergie économiquement, une voute plantaire qui agit comme un ressort, peu de poils et des glandes sudoripares à foison pour dissiper la chaleur, et la capacité de respirer par la bouche pour faciliter la respiration à haut débit. Pour conclure, l'homme est un bon coureur de fond (j'invite les fâcheux qui doutent encore à visiter ce site web où l'on voit qu'un homme peut parfois battre des chevaux sur un marathon, au pays de Galles).
Si l'homme est un bon coureur de fond, on peut alors supposer que cette qualité a été sélectionnée favorablement chez ses ancêtres : il leur était avantageux de pouvoir courir longtemps. Daniel Lieberman imagine donc que nos ancêtres chassaient des quadrupèdes dans la savane africaine en leur courant après, en une sorte de chasse à courre un peu plus équilibrée. L'idée est la suivante : l'homme n'est certes pas un bon sprinter (quatre pattes, ça donne un avantage certain à la plupart des animaux), mais comme il est quand même capable de courir raisonnablement vite pendant longtemps, il peut épuiser des proies. C'est d'ailleurs ce qui se passe pendant les chasses à courre si je ne m'abuse : à la fin, le cerf est acculé dans une mare d'eau, épuisé et en surchauffe, et l'homme n'a plus qu'à descendre de cheval pour le cueillir comme un champignon, ou presque.
Cette théorie n'est pas vraiment confirmée par l'analyse des quelques tribus qui vivent encore aujourd'hui principalement de la chasse. Dans ces dernières, la chasse ne se fait pas en courant après le gibier, mais il faut dire qu'on y utilise des arcs, sagaies et autres technologies avancées, donc c'est de la triche (de tels outils n'ont été inventés qu'il y a 40000 ans, et ça faisait déjà belle lurette qu'on avait acquis nos jambes de gazelle). Une autre théorie propose que nos ancêtres étaient des charognards, et donc utilisaient leurs qualités de coureur pour se rendre rapidement aux endroits où des animaux venaient de mourir, comme les hyènes le font aujourd'hui, mais là encore il n'y a pas beaucoup de données pour confirmer ou infirmer cette théorie.
Un test assez simple à faire serait de prendre quelques volontaires, les lâcher pas loin d'un troupeau de gnous ou de gazelles, et de voir s'ils arrivent à attraper un animal à mains nus, mais je n'ai pas connaissance qu'un tel test a eu lieu. Apparemment, cela s'est déjà vu chez des indiens d'Amérique, néanmoins.
Cette semaine, Daniel Lieberman a publié un nouvel article sur le sujet, toujours dans la revue Nature. Son idée est cette fois la suivante : les coureurs actuels, qui courent pour leur plaisir, ont souvent des problèmes liés à ce loisir, au niveau des articulations ou bien au niveau des muscles. Or nous courons avec des chaussures très sophistiquées, qui nous protègent, alors que nos ancêtres couraient probablement pieds nus. Il est probable que nos ancêtres n'avaient pas tous ces problèmes de santé dés qu'ils posaient un pied devant l'autre. Comment cela se fait-il donc ?
Pour répondre à cette question, Daniel Lieberman a étudié la façon de courir de personnes chaussées ou pas, qui avaient l'habitude de courir pieds nus ou qui ne l'avaient pas. Sa conclusion est la suivante : lorsqu'on court avec des chaussures de course, la plupart des gens posent le talon en premier, alors que lorsqu'on court sans chaussures, on évite de poser le talon en premier. En terme d'impacts, ceci se comprend : lorsqu'on pose le talon en premier, les forces de collision sont plus importantes, donc le coureur à pieds nus moyen cherche à éviter ce choc alors que le coureur en chaussures peut allègrement s'affaler sur son talon protégé par des chaussures matelassées sans souffrir.
On parle pas mal de ces travaux dans la communauté des coureurs sur internet, car on y fait l'hypothèse que peut-être, si on courait pieds nus, on aurait moins de problèmes articulaires ou musculaires, en évitant le choc sur le talon, pas totalement amorti par les chaussures. Cela reste encore à démontrer.
Pour ceux qui veulent mieux comprendre comment on court avec ou sans chaussure, voici une petite vidéo (en anglais).
Enfin, notons que Daniel Lieberman est en partie financé par Vibram, le fabriquant des chaussures "five fingers" que j'ai eues à Noël, et qui défend donc l'idée que courir sans Nike est une bonne idée...
dimanche 31 janvier 2010
Ce que nous avons fait, aucune bête ne l'aurait fait.
Aujourd'hui, à Berkeley, il faisait beau. C'est assez notable, car ces derniers jours, l'hygromètre restait plutôt haut, et une pluie assez fine mais régulière s'abattait quotidiennement sur l'East Bay.
Comme il faisait beau, nous sommes restés à la maison, et nous avons fini de mettre à jour le site internet de la mère de Bastien, de midi à 22h (Mathilde a néanmoins fait une pause pour allaiter ses mouches). C'est Mathilde qui a fait le gros du boulot, en ajoutant les derniers tableaux, Bastien s'est contenté de faire du cosmétique pour rendre le site, non pas moderne, mais un peu moins désuet. Le résultat ne peut pas vraiment être qualifié de participer du Web 2.0, mais il y a quand même une nette amélioration à notre avis. Et si vous trouvez que ce n'est pas mieux, et bien sachez que vous avez mauvais goût.
Nous vous invitons donc à aller visiter cette merveille graphique, autant pour les oeuvres immortelles que l'on peut y trouver que pour l'excellence technique de sa réalisation. Pour tout achat, veuillez consulter l'artiste.
Comme il faisait beau, nous sommes restés à la maison, et nous avons fini de mettre à jour le site internet de la mère de Bastien, de midi à 22h (Mathilde a néanmoins fait une pause pour allaiter ses mouches). C'est Mathilde qui a fait le gros du boulot, en ajoutant les derniers tableaux, Bastien s'est contenté de faire du cosmétique pour rendre le site, non pas moderne, mais un peu moins désuet. Le résultat ne peut pas vraiment être qualifié de participer du Web 2.0, mais il y a quand même une nette amélioration à notre avis. Et si vous trouvez que ce n'est pas mieux, et bien sachez que vous avez mauvais goût.
Nous vous invitons donc à aller visiter cette merveille graphique, autant pour les oeuvres immortelles que l'on peut y trouver que pour l'excellence technique de sa réalisation. Pour tout achat, veuillez consulter l'artiste.
samedi 30 janvier 2010
lundi 11 janvier 2010
L'instinct grégaire.
Avant toute chose,
BONNE ANNE A TOUS !
Et sinon, voici un nouveau post scientifique, pour bien commencer l'année.
Ca parle des facteurs environnementaux qui favorisent / défavorisent la formation de cancers.
Des chercheurs de Chicago ont eu l'idée de mesurer à quel point l'isolement peut influencer les risques de cancer.
Pour ce faire, ils ont utilisé des femelles d'une lignée de rates ayant tendance à faire plein de tumeurs. Ils ont mis 20 rates pubères dans des cages isolées et groupé 20 autres rates pubères par 5 (dans 4 cages, donc).
Ils ont laissé mijoté le tout pendant quelques mois. Le résultat est le suivant :
- les rates isolées perdent sur tous les tableaux. Elles ont 2,3 fois de tumeurs en plus, ces tumeurs ont 3 fois plus de chances d'être malignes et sont 84 fois (oui oui, vous avez bien lu) plus grosses. Pas cool.
Les rates n'ont pas de problèmes oestrogéniques (chez les rates isolées, les taux d'oestrogènes, souvent accusés d'être la source de tous les maux féminins, ne sont pas supérieurs aux taux chez les rates élevées en groupe) donc le problème ne vient pas de là. Les auteurs de l'étude proposent que le stress est une cause majeure des risques cancérigènes accrus. Les niveaux de l'hormone de stress corticosterone sont élevés chez les rates isolées et les petites bêbêtes sont visiblement plus stressées, craintives, vigilantes...
Pour davantage d'infos : http://www.pnas.org/content/106/52/22393.
Bref, peut-être serait-il temps de revisiter le fameux dicton "pour vivre heureux, vivons cachés".
Et bises
Mathilde.
BONNE ANNE A TOUS !
Et sinon, voici un nouveau post scientifique, pour bien commencer l'année.
Ca parle des facteurs environnementaux qui favorisent / défavorisent la formation de cancers.
Des chercheurs de Chicago ont eu l'idée de mesurer à quel point l'isolement peut influencer les risques de cancer.
Pour ce faire, ils ont utilisé des femelles d'une lignée de rates ayant tendance à faire plein de tumeurs. Ils ont mis 20 rates pubères dans des cages isolées et groupé 20 autres rates pubères par 5 (dans 4 cages, donc).
Ils ont laissé mijoté le tout pendant quelques mois. Le résultat est le suivant :
- les rates isolées perdent sur tous les tableaux. Elles ont 2,3 fois de tumeurs en plus, ces tumeurs ont 3 fois plus de chances d'être malignes et sont 84 fois (oui oui, vous avez bien lu) plus grosses. Pas cool.
Les rates n'ont pas de problèmes oestrogéniques (chez les rates isolées, les taux d'oestrogènes, souvent accusés d'être la source de tous les maux féminins, ne sont pas supérieurs aux taux chez les rates élevées en groupe) donc le problème ne vient pas de là. Les auteurs de l'étude proposent que le stress est une cause majeure des risques cancérigènes accrus. Les niveaux de l'hormone de stress corticosterone sont élevés chez les rates isolées et les petites bêbêtes sont visiblement plus stressées, craintives, vigilantes...
Pour davantage d'infos : http://www.pnas.org/content/106/52/22393.
Bref, peut-être serait-il temps de revisiter le fameux dicton "pour vivre heureux, vivons cachés".
Et bises
Mathilde.
LangDetecten>fr GoogleDicC
better, rally
mercredi 6 janvier 2010
Une enquête longue et difficile.
Aujourd'hui je vais vous parler d'un article qui vient de paraître dans la revue PNAS, et qui s'intéresse à l'extinction des mammouths en Alaska. Un des auteurs de l'article en question travaille dans le labo de Bastien.
On ne sait pas bien quand les mamouths ont disparu d'Alaska. Les ossements les plus récents qu'on y a retrouvés datent d'il y a environ 13,100 –13,710 ans. Comme les humains sont arrivés en Alaska il y a environ 14000 ans, on a alors fait l'hypothèse que les humains avaient très rapidement éliminé les mammouths en les chassant (hypothèse dite "blitzkrieg"). Une autre hypothèse suggère qu'un changement climatique ou bien une chute de météorite il y a environ 12900 ans auraient pu mettre fin à ces grands herbivores.
Une grande difficulté pour savoir ce qui a pu causer la perte du mammouth provient de la rareté des ossements retrouvés. D'une part, il est difficile de passer au peigne fin tout l'Alaska. D'autre part, lorsqu'un mammouth meurt, il n'est pas certain que ses os vont rester des milliers d'années en bon état, attendant sagement qu'un scientifique vienne les découvrir puis les dater. Bref, on n'est vraiment pas sûr que les mammouths aient vraiment disparu il y a environ 13,100 –13,710 ans, et une autre façon de chercher la date à laquelle le dernier mammouth a vécu serait très utile !
L'article dont je parle aujourd'hui propose donc une autre façon de préciser quand les mammouths ont vraiment disparu d'Alaska. En fait, confronté à une disparition, les chercheurs ont utilisé des méthodes proches de celles de la police scientifique : ils ont prélevé des échantillons, et séquencé l'ADN qui s'y trouvait. Plus précisément, les scientifiques sont allés en Alaska à côté du village "Stevens", fait une carotte dans une falaise de sédiments bordant une rivière, puis ils ont analysé l'ADN qu'ils ont trouvé dans les sédiments.
L'idée est la suivante : en éternuant, perdant des poils, faisant pipi ou caca, le mammouth moyen dépose son ADN dans le sol sur lequel il gambade gaiement. Avec le temps, des sédiments recouvrent ce sol. Comme il fait froid (on est en Alaska), l'ADN est bien conservé comme dans un congélateur, ce qui fait que quand, 10000 ans plus tard, un scientifique fait une carotte dans le sol, il a de bonnes chances de retrouver des traces d'étron de mammouth. Et là où il y a étron, il y a vie.
Dans leur carotte, qui contient des sédiments datant d'il y a environ 7500 ans pour les plus récents à 11000 ans pour les plus anciens, les chercheurs ont trouvé de l'ADN. En analysant cet ADN, ils ont trouvé les traces des animaux suivants:
Pour finir, un avertissement : si vous aimez faire vos besoins naturels au grand air et pourtant rester discret, choisissez bien vos endroits : si c'est dans un environnement froid où l'ADN peut bien se conserver, il est très possible que votre empreinte y soit encore dans 10000 ans.
PS: la photo vient du site suivant:
http://www.sci-fi-o-rama.com/
On ne sait pas bien quand les mamouths ont disparu d'Alaska. Les ossements les plus récents qu'on y a retrouvés datent d'il y a environ 13,100 –13,710 ans. Comme les humains sont arrivés en Alaska il y a environ 14000 ans, on a alors fait l'hypothèse que les humains avaient très rapidement éliminé les mammouths en les chassant (hypothèse dite "blitzkrieg"). Une autre hypothèse suggère qu'un changement climatique ou bien une chute de météorite il y a environ 12900 ans auraient pu mettre fin à ces grands herbivores.
Une grande difficulté pour savoir ce qui a pu causer la perte du mammouth provient de la rareté des ossements retrouvés. D'une part, il est difficile de passer au peigne fin tout l'Alaska. D'autre part, lorsqu'un mammouth meurt, il n'est pas certain que ses os vont rester des milliers d'années en bon état, attendant sagement qu'un scientifique vienne les découvrir puis les dater. Bref, on n'est vraiment pas sûr que les mammouths aient vraiment disparu il y a environ 13,100 –13,710 ans, et une autre façon de chercher la date à laquelle le dernier mammouth a vécu serait très utile !
L'article dont je parle aujourd'hui propose donc une autre façon de préciser quand les mammouths ont vraiment disparu d'Alaska. En fait, confronté à une disparition, les chercheurs ont utilisé des méthodes proches de celles de la police scientifique : ils ont prélevé des échantillons, et séquencé l'ADN qui s'y trouvait. Plus précisément, les scientifiques sont allés en Alaska à côté du village "Stevens", fait une carotte dans une falaise de sédiments bordant une rivière, puis ils ont analysé l'ADN qu'ils ont trouvé dans les sédiments.
L'idée est la suivante : en éternuant, perdant des poils, faisant pipi ou caca, le mammouth moyen dépose son ADN dans le sol sur lequel il gambade gaiement. Avec le temps, des sédiments recouvrent ce sol. Comme il fait froid (on est en Alaska), l'ADN est bien conservé comme dans un congélateur, ce qui fait que quand, 10000 ans plus tard, un scientifique fait une carotte dans le sol, il a de bonnes chances de retrouver des traces d'étron de mammouth. Et là où il y a étron, il y a vie.
Dans leur carotte, qui contient des sédiments datant d'il y a environ 7500 ans pour les plus récents à 11000 ans pour les plus anciens, les chercheurs ont trouvé de l'ADN. En analysant cet ADN, ils ont trouvé les traces des animaux suivants:
- des lièvres des neiges (voir la photo, où un lièvre joue avec un lynx)
- des élans
- des bisons
- des chevaux (à l'époque, il y en avait, puis ils ont disparu, puis les Européens les ont réintroduits quand ils ont redécouvert l'Amérique)
- et des mammouths !
Pour finir, un avertissement : si vous aimez faire vos besoins naturels au grand air et pourtant rester discret, choisissez bien vos endroits : si c'est dans un environnement froid où l'ADN peut bien se conserver, il est très possible que votre empreinte y soit encore dans 10000 ans.
PS: la photo vient du site suivant:
http://www.sci-fi-o-rama.com/
samedi 2 janvier 2010
vendredi 1 janvier 2010
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