Une petite nouvelle scientifique, car je sais que vous en raffolez, bande de gourmands.
- A ceux qui ont peur de choper un jour un cancer du cerveau: rassurez-vous, vous pouvez être traités par des rayons pour tuer les cellules cancéreuses. Si vous pensez "Ah ben ça va mieux alors", sachez qu'il y a un petit inconvénient: vos capacités cognitives (mémoire, apprentissage, maîtrise de l'espace) ressortiront du traitement franchement amoindries. Heureusement, ce n'est pas irrémédiable. Qui est notre sauveur ? les cellules souches ! En effet, les problèmes cognitifs rencontrés par les irradiés sont dus au massacre par les rayons, non seulement des méchantes cellules cancéreuses, mais également, des gentilles cellules souches qui traînent dans notre cerveau.
Petite explication sur les cellules souches : une cellule souche est une cellule "indifférenciée". La majeure partie de nos cellules est dite "différenciée", par exemple en cellule du cheveu, du coeur, de l'oeil, du muscle. Ces différentes cellules n'ont pas la même fonction, pas la même forme, le même contenu en protéines, bref, elles sont spécialisées. Par exemple, les cellules sanguines sont bourrées d'hémoglobine (produire l'hémoglobine, c'est leur spécialité) alors que les cellules de la peau contiennent des pigments (protéger notre corps, c'est leur spécialité). Dans notre corps, chaque cellule est spécialisée dans la production de certaines protéines. Comme le faisait remarquer Claude Nougaro, les os de Louis Armstrong ne sont pas noirs, et ce s'rait, si ce n'est rigolo, au moins très anormal, qu'ils le soient : ils ne contiennent pas de pigment car ce ne sont pas des cellules de la peau, produire des pigments n'est pas leur spécialité (elles font plutôt dans l'os, elles).
Maintenant, d'où viennent ces cellules différenciées ? Une cellule différenciée est formée à partir d'une cellule non différenciée, donc souche (note aux lecteurs pointilleux : certaines simplifications sont opérées ici). Ces cellules souches peuvent produire d'autres cellules souches ainsi que divers types de cellules différenciées. Les cellules différenciées par contre ne peuvent pas vraiment se "dédifférencier" puis se "redifférencier", et se transformer en un autre type cellulaire, un peu comme les vieux ouvriers qui se sont faits virer de leur usine et qui ne peuvent faire autre chose. En revanche, les cellules souches peuvent se transformer en plusieurs types cellulaires.
On a plein de cellules souches un peu partout, qui servent très probablement au maintien de l'organisme tout au long de la vie. Dans le cas qui nous intéresse, on en a également dans le cerveau. Ces cellules souches se divisent un peu, au contraire des neurones (cellules différenciées) qui ne se divisent pas et ont une durée de vie très longue. Quand une cellule est cancéreuse, elle se divise à fond (ce qui crée les tumeurs). Les irradiations visent précisément les cellules qui se multiplient, et donc détruisent efficacement les cellules cancéreuses. Mais ces rayons détruisent également les cellules souches, qui auraient pu servir à réparer les dommages causés par les irradiations.
Comment améliorer les traitements par rayons ? On peut déjà apprendre à mieux les administrer, dans des doses supportables et surtout mieux ciblées vers la tumeur. Une stratégie complémentaire est proposée dans l'article publié dans the "Proceedings of the National Academy of Science of the USA" (http://www.pnas.org/content/106/45/19150). Après irradiation de la tête, des rats ont reçu (ou pas) des implantations de cellules souches humaines dans le cerveau. 4 mois après l'irradiation, les rats transplantés ont de meilleurs résultats à des tests cognitifs que les rats non transplantés. Qu'est-ce qu'un test cognitif pour un rat : on étudie la tendance qu'ont les rats à explorer les nouveaux objets/lieux. Pour ce faire on met des rats en présence de 2 objets positionnés à des endroits précis. On retire les rats de l'espace expérimental. On bouge UN des objets sur un nouveau spot et on remet les rats dans l'espace. Les rats non-irradiés, tout comme les rats irradiés ayant reçu leur shoot de cellules souches humaines, vont s'attarder sur le nouvel objet et pas sur l'ancien, alors que les souris irradiées ne vont pas s'attarder sur le nouveau spot, montrant qu'elles n'ont pas conscience qu'un des objets est à une nouvelle position.
Ces améliorations sont dues au fait que les cellules souches transférées dans les rats irradiés se différencient en neurones chez les rats (ouais, ouais, des neurones humains dans un rat...) et compensent donc en partie les pertes causées par les irradiations. A long terme, cela peut avoir des intérêts thérapeutiques (autres que pour les rats, je veux dire) : par exemple on pourrait prélever des cellules souches chez un patient avant irradiation, l'irradier pour bousiller les cellules cancéreuses, puis lui réinjecter les cellules souches pour le réparer.
Pour les petits vicieux qui se demandent si on ne pourrait pas transplanter des cellules souches à des gens non cancéreux mais un peu neuneus ou à des demeurés comme moi (c'est Mathilde qui parle) qui ne savent pas se repérer dans l'espace, eh bien sachez que l'injection de cellules souches ne fait pas que du bien aux personnes normales, ce qui est potentiellement du à une surcharge des-dites cellules souches. Donc je resterai perdue où que je sois, et je vous dis bien des choses.
Et, comme toujours, vive la science.
Petit aparté pour Bastien : Un environnement non oxydant améliore la neurogénèse, d'après l'article.
1 commentaire:
beaucoup appris
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